La Pièce Principale

...

[Maison de Nicias]

Anthéa avait filé droit au Sud, sans passer par le centre de la ville. Elle avait préféré marcher dans la végétation pour atteindre la rivière. Elle avait ainsi pu observer le paysage tout en pensant au banquet qui aurait lieu le soir même. Elle était même passée devant un temple en ruine mais ne s'y était pas attardée.

Elle était arrivée devant la maison du guérisseur. Elle le connaissait bien pour avoir partagé le même maître pendant une période. Elle ne l'avait pas revu depuis que Nicias l'avait affranchi. Anthéa était heureuse pour lui, il était libre même si sa maison était très pauvre. Il pouvait exercer ce pour quoi Anthéa le trouvait doué.

Elle entra dans la maison et se trouva dans la pièce principale. L'Egyptien n'était pas là.

"Iry-Hor ? C'est Anthéa ! Iry-Hor, est-ce que tu es là ?"

[premier post]

Les bras chargés de foin et d'herbes odorantes, Iry-Hor écarta du coude le morceau de tissus qui occultait l'entrée de la maison et pénêtra dans la pièce.

Il eut un sourire en voyant la jeune femme qui se tenait devant lui.
Durant sa période de servitude chez le crétois, elle avait été très présente pour lui.
L'égyptien ressentait un fort attachement envers cette femme douce et décidée à la fois.

Que Nicias l'ait affranchi lui plutôt qu'elle, alors que les raisons de ce geste restaient confuses, le dérangeait un peu.
Mais il savait que la jeune femme avait été très proche du maître pendant quelques temps et il comprenait qu'il veuille la garder à sa disposition.
Il savait aussi qu'il serait difficile pour le crétois de trouver une femme aussi à l'aise dans sa condition d'intendante que l'etait Anthéa.
Elle menait la maison d'une main ferme et savait gérer les situations les plus délicates.
Et cela, Nicias ne devait pas l'ignorer ce qui, à n'en pas douter, la rendait précieuse à ses yeux.

Un mois était passé, pendant lequel il n'était pas retourné dans la cité, se contentant de pécher pour sa subsistance.
Les événements passés étaient encore trop présents dans sa mémoire pour qu'il ait envie d'en parler.
Mais la présence d'Anthéa si loin de la villa de Nicias l'inquiéta et l'empêcha de lui réserver l'acceuil qu'il aurait voulu.

"Que se passe-t-il ? Es-tu souffrante que tu viennes jusqu'ici sans être accompagnée ?"

L'inquiétude fronçait ses fins sourcils et faisait paraitre ses yeux fardés plus sombres.

Anthéa se retourna vers la porte lorsqu'Iry-Hor entra les bras chargés. Elle répondit à son sourire par un autre sourire tout aussi chaleureux. Elle était réellement contente de le revoir. Elle l'avait toujours bien aimé, depuis le début. Elle aimait sa prestance et le fait qu'il tenait tête à Nicias pour défendre ses convictions.

L'expression de visage de l'Egyptien se changea en inquiétude. Anthéa se hâta de le rassurer.

"Non non ne t'inquiète pas, je vais très bien. J'avais simplement envie de venir te voir. Je ne suis guère sortie depuis un mois... à peine pour faire quelques achats."

Elle l'aida à poser le foin dans un coin de la pièce.

"Je suis tellement contente que Nicias t'es affranchi, réellement Iry-Hor, crois-moi. Je ne voudrais pas que tu culpabilises par rapport à moi. Je suis vraiment très contente. J'espère... que tu as une vie correcte ici... si tu veux que je t'apporte de quoi manger, il ne faut pas hésiter." dit-elle, se doutant bien que vivre dans un endroit si pauvre ne devait pas être facile.

Elle se mit face à lui pour le regarder dans les yeux.

"J'ai réussi à convaincre Nicias d'organiser un banquet ce soir. Ca me ferait vraiment très plaisir que tu y viennes Iry-Hor."

Iry-Hor scruta un instant le regard de la jeune femme, cherchant dans ses iris la confirmation qu'elle ne lui cachait rien sur sa santé.
Il la savait dure avec elle-même et redoutait qu'elle dissimule un mal pour ne pas l'embarasser.

Rassuré, il commença de répandre le foin sur le sol afin de remplacer celui souillé qu'il avait enlevé plus tôt dans la matinée.
Dans une grande vasque de terre aux bords abimés qu'il avait recupérée sur un tas de détritus il disposa les herbes aromatiques dont il savait les vertus purifiantes de la combustion et y deposa plusieurs braises.
A vivre ainsi au bord de la rivière, il retrouvait les gestes qu'il avait observés durant toute son enfance et s'activait à rendre le lieu aussi sain que possible.
Quand Anthea proposa de lui apporter de la nourriture il secoua la tête.

"Non, tu te ferais prendre et punir pour avoir volé. C'est une tres mauvaise idée, tu as la confiance du Crétois ne la trahis pas pour moi. Je pêche facilement de quoi me nourrir et je connais les plantes sauvages, les racines. Je me débrouillerai toujours, ne sois pas inquiete pour moi."

Il ne lui dit pas la difficulté à se procurer de la farine pour tenter de confectionner des galettes ni les crampes qui le tordaient parfois à experimenter certaines baies sauvages qui lui étaient inconnues.
Son regard s'elargit quand elle vint se poster face à lui et qu'elle mentionna le banquet et il resta un moment à la fixer.

"Un banquet. Anthea tu ne peux pas me demander de venir à un banquet donné dans la maison de Nicias. Ce n'est pas ma place et je refuse de distraire ses convives. Je ne ferai plus jamais une telle chose."

Il détourna le regard et changea de sujet, la voix moins assurée.

"Je ne suis pas non plus entré dans la Cité depuis que j'ai été affranchi et.. a-t-on retrouvé tous les corps ? Chacun est-il remis de cette nuit effroyable ? Je.. Je peux aider à soigner les fièvres même si je doute qu'on vienne me trouver pour cela, moi l'égyptien des marais."

Un rire amer franchit ses lèvres et il ne continua pas, se contentant de fixer la fumée odorante qui s'élevait de la vasque brisée.

Anthéa observa la façon dont l'égyptien purifiait et assainissait sa maison. Comme elle s'y attendait, il refusait qu'elle lui apporte de la nourriture, peut-être un peu par fierté mais aussi pour la préserver elle. Quoiqu'il en soit, elle était bien décidée à lui apporter quelques galettes de blé et autre nourriture dès qu'elle en aurait l'occasion.

Fixant ses yeux verts, elle attendit sa réponse pour le banquet, espérant qu'elle soit positive. Elle fut alors surprise par son refus. Une profonde déception pouvait se lire sur le visage d'Anthéa. S'il y avait bien une personne qu'elle voulait voir présente ce soir, c'était bien Iry-Hor. Mais déjà, il avait changé de sujet.

"Non... Non tous les corps n'ont pas été retrouvés... Je crois que tout le monde se remet doucement. Les dernières femmes atteintes de cette fièvre semblent guéries d'après ce que j'ai pu entendre."

Elle soupira, encore pensive sur le refus d'Iry-Hor pour la soirée. Elle repensa à ses paroles et reprit.

"Iry-Hor... Je ne t'ai pas invité ce soir pour que tu distraies les autres personnes. Tu n'as plus à faire ça. Je voulais juste que tu viennes car j'ai beaucoup d'estime pour toi. Jamais je ne t'aurais invité pour que tu travailles, même pas pour m'aider à servir, même si suis seule à servir chez Nicias."

Elle se tut un instant et ajouta. "Il n'a pas encore acheté d'autre esclave, mais je me débrouillerai bien toute seule."

Iry-Hor sortit de sa contemplation et se tourna vers la jeune femme.
Du bout des doigts, il caressa le petit serpent qui s'enroulait autour de son bras, le visage pensif.

"Il faut retrouver les corps de ces malheureux, Anthea. Ceci peut attirer tellement de maladies s'ils restent exposés à l'air. J'ai cherché le long de la rivière mais je n'ai rien vu. Tu devrais peut-etre en parler au Crétois. Ne mentionne pas mon nom mais parle lui des rats qui vont propager l'infection s'ils dévorent les cadavres. Souviens-toi des mouches, Anthea."

Une grimace fronça son nez et il passa la main devant ses yeux fardés comme pour en chasser une image désagréable.
Il reprit, la voix hésitante.

"Pour ce qui est du banquet.. Je viendrai t'aider à préparer la salle et les mets que l'on servira. Mais.. Anthea, je ne sais pas pourquoi Nicias m'a affranchi. Je ne pense pas qu'il soit heureux de me revoir dans sa maison. Peut-etre vaudrait-il mieux que tu lui en parles avant ? Je n'ai pas envie d'être chassé comme un voleur à peine posé le pied sur les dalles du portique."

Anthéa regarda distraitement le petit serpent, seul témoin de l'apparition de la déesse que vénérait l'égyptien. A l'évocation des rats, des maladies et surtout des mouches, Anthéa ne put retenir un frisson d'horreur revoyant le corps sans tête de l'ancienne esclave de Nicias recouvert de mouches qui la dévorait.

"Oui.. Oui tu as raison, je lui en parlerai dès que je le reverrai. Peut-être pourra-t-il faire quelque chose. Je lui dirai..."

Anthéa avait de nouveau sombré dans des pensées sombres remplies de questions sans réponses jusqu'à ce qu'Iry-Hor parle à nouveau, acceptant finalement son invitation. Un sourire vint illuminer le visage de la jeune femme. Lorsqu'il lui dit qu'il venait l'aider, Anthéa s'apprêta à le contredire mais se retint de peur qu'il refuse à nouveau de venir. Une fois qu'il serait là-bas, elle serait toujours à temps de l'empêcher de travailler.

"Nicias t'a affranchi car je pense qu'il a compris que tu n'étais pas fait pour être escalve et que tu valais bien mieux que cela. Ne t'inquiète donc pas tant, il m'a précisément dit que je pouvais inviter qui je voulais, à part un fermier avec qui il a eu un différent. Tu peux venir en toute confiance."

Elle lui sourit et vint poser un baiser sur la joue de l'égyptien. Anthéa pouvait paraître des plus mûres et sages, elle ne pouvait parfois pas contenir quelques gestes enfantins lorsqu'elle était simplement heureuse.

"Je vais te laisser, je dois encore aller au marché."

Elle le salua et sortit de la maison avec le sourire.

[Agora]

Iry-Hor s'avança sur le pas de la porte et regarda la jeune esclave s'eloigner.
Il effleura sa joue du bout des doigts, à l'endroit où elle avait déposé un baiser.
La tendresse dont elle faisait preuve à son égard le renvoyait plus profondément à sa solitude.

Il tourna le regard vers l'intérieur de la pièce et un pli amer tordit ses lèvres.
Même en se concentrant, il lui devenait de plus en plus difficile de se souvenir des détails de la maison de son enfance.
Les ornements délicatements ouvragés, les fresques colorées et les dalles de marbre rare ne lui revenaient désormais que floutés.
Les visages de sa famille, des serviteurs dont il avait été si proche, de ses professeurs et meme le sourire de sa chere nourrice s'effaçaient de même.
Peut-etre était-ce une bénédiction qui l'empêchait de trop vivre dans le passé en l'obligeant à se préoccuper du présent.
Mais la souffrance était bien réelle de n'avoir rien ni personne à qui se raccrocher vraiment.

L'égyptien ferma les yeux un instant et secoua la tête.
Ne pas se laisser écraser par ce sentiment d'abandon et se consacrer aux tâches qui lui permettaient de survivre.
Il était libre mais ne possédait rien.
Il avait eu une chance incroyable de trouver cet abri inoccupé et s'employait chaque jour à le rendre plus habitable.

Repoussant la toile qui masquait l'entrée, il sortit et se dirigea vers la rive toute proche.
Il voulait couper des joncs pour tresser une nasse à poissons.

[Rive Nord]

[la cuisine de la forge]

Mnésiclès passa en courant, s'aidant de son baton, devant la rôtisserie de Lysandre, enjamba le pont et traversa l'agora en courant sous les regards medusés des habitants de Kalymnos. Il trébucha à la sortie de la ville et s'étalla de tout son long, un enfant l'aida à se relever. Il le remercia et repris sa course tant bien que mal vers la maison de cet Egyptien dont il savait seulement que Nicias l'avait affranchi un moi auparavant, il ne savait même pas le nom, pas plus qu'il ne savait d'où sa mère tenait qu'il était guérisseur. Mais en 45 ans, il avait appris à ne pas discuter les ordres de la vieille maîtresse de maison. Toutes sortes d'idées traversèrent l'esprit de Mnésiclès, la principale étant bien entendu la plus funeste. De toutes façons même si cela n'était peut-être pas si grave, il était incapable de se contenir quand sa mère était en jeu, un Thébain irrespectueux l'avait appris à ses dépends quelques années auparavant ... mais les juges avait su comprendre leur concitoyen et celui-ci n'avait eu qu'à payer des funérailles dignes au marin Thébain ... Mnésiclès tourna à gauche en direction de la rivière en passant devant le temple d'Hécate, comme le lui avait indiqué sa mère. Il apperçu la petite maison au bord de la rivière et soudain une iamge de lui enfant lui revint à l'esprit, comment avait-il pu oublié cette maison dans laquelle un vieux habitait alors. Ce vieux si il avait oublié son nom il se souvenait parfaitement de son visage et de ses gestes quand il régalait les enfants de la ville avec des histoires abracadabrantes. A l'évocation de ce souvenir, un sourire naquit sur le visage de Mnésiclès ... qui s'effaça aussitôt avec la venue du pressentiment que le guérisseur n'était pas là.

Mnésiclès surgit dans la petite demeure ... il avait vu juste le guérisseur n'était pas là. Il sortit de la maison et en fît le tour sans en trouver trace. Il s'apprêtait à repartir vers la ville mais se ravisa aussitôt

*Il est presque midi, espérons qu'il ne va pas tarder à rentrer. Je l'attends un moment si il ne viens pas je ... j'aviserai*

Rester ainsi à ne rien faire était pire que tout. Mnésiclès tourna ainsi autour de la modeste cabane du guérisseur, la poussière volant autour de ses pieds. Il vérifiaient bien de temps en temps à l'intérieur, en vain bien entendu.

*Je suis ridicule il ne va pas apparaître en un clin d'oeil par la volonté des Dieux...*

L'attente paraissait interminable. N'y tenant plus Mnésiclès décida de partir à la recherche du guérisseur. En fait, il n'avait attendu que dix minutes bien que cela lui parut des heures. Il regarda autour de lui ne sachant par où commencer. Il décida alors de suivre la rive nord, un chemin était en train de se faire le long de celle-ci.

*Par là ... Quelqu'un a l'air d'emprunter ce chemin depuis quelques temps ... c'est surement le guérisseur, il a été affranchi seulement il y a un mois après tout*

Ainsi Mnésiclès s'engouffra entre les hautes herbes ...

[rive nord]

[Villa de Nicias]

Nicias rejoignit rapidement la riviére, la rapidité de son destrier avait une fois de plus fait ses preuves, il ne lui restait plus qu'à trouver la maison du guérisseur, ce qui lui prit de pénibles minutes, perdu au milieu des fougéres, il pesta contre le mauvais sort...

Les cieux lui sourirent enfin, il perçut au loin une simple maisonnée faites de paille, et de torchi, sans perdre de temps, il dirigea souffle d'Ombre dans sa direction...

Une fois sur le seuil, il se laissa glisser sur le sol, et s'engouffra dans la maison.
Une fois à l'intérieur, il constata la modestie de l'ensemble, mais surtout que son propriétaire semblait absent, il signala à plusieurs reprises sa présence de sa voix forte, mais il ne reçut que l'écho de ses propres paroles, le guérisseur devait être sorti, il esperait près de la riviére, il se décida de l'attendre quelques instants...

[Rive Nord]

Après avoir cheminé un moment entre les ajoncs d'un pas volontairement ralenti pour permettre à l'homme de le suivre, Iry-Hor était arrivé devant sa maison.
Il reconnu immédiatement le cheval qui patientait en broutant quelques herbes et vint lui flatter l'encolure.
Que pouvait bien vouloir Nicias pour venir jusqu'ici ?

L'égyptien prit une profonde inspiration et repoussant la toile qui en protégeait l'ouverture, franchit le seuil de la pièce principale.
Il se tint là un moment, observant le Crétois aller et venir, puis, sans un mot se dirigea vers une étagère qu'il avait aménagée dans un coin pour y entreposer ses pots d'onguents et ses herbes sèches à l'abri de la lumière.

Il en préleva plusieurs qu'il rangea soigneusement dans son sac. Puis, d'une voix où perçait l'agacement, demanda :

"Eh bien ! Vas-tu me dire ce qui t'amènes chez moi ?"

Nicias était resté de marbre quand il découvrit qui était le guérisseur, il ne montra, ni ne laissa échapper aucune émotion. Mais au fond de lui-même, il maudissait le destin qu’il l’obligeait à s’en remettre aux mains de son ancien et rebelle esclave…

Il observa en silence l’égyptien, et le laissa déclencher les hostilités en premier, mais à la différence de toujours, cette fois ci il n’avait pas le temps de la confrontation, il devait capituler sans combattre.

De son regard bleu-vert, il fixa un instant l’égyptien avant de répondre, puis d’une voix humble, il fit :

« Je suis à peine surpris de te voir ici, la science médicinale de ton peuple est sans commune mesure… Je ne suis ici ni pour moi ni pour te défier Egyptien, Anthéa a reçu une vilaine blessure, et je dois concéder, même si cela me coûte, mon impuissance à pouvoir lui offrir les soins que cela implique… J’ai besoin de tes services, ou plutôt Anthéa en a besoin… »

(Tour de Post : Nicias, Mnésiclès, Iry-Hor)

Mnésiclès suivait le jeune homme vers sa maison quand il aperçut le cheval de Nicias.

*Que fait-il ici ?*

Le forgeron se demandait ce que le marin faisait ici. Il connut Nicias lors d'une campagne en Asie. Il faisait lui aussi parti de la grande armée d'Alexandre. Ils avaient tous deux vu leurs camarades périr sous le soleil de l'Asie. Ils s'étaient retrouvés sur l'île du vieux forgeron quelques années plus tard. Nicias était l'une des rares personnes qui recourraient aux réels talents de Mnésiclès de temps à autres, évidemment ce n'était surement pas ses activités commerciales qui nécessitairent ces services ... mais Mnésiclès ne posait pas de question, il n'en avait aucune raison Nicias était l'un de ses anciens compagnons d'armes.

Il baissa la tête à la suite du guérisseur à l'entrée de sa cabane. Quand il rentra le nom d'Anthéa raisonnait encore dans la pièce. L'atmosphère de la pièce était lourde comme à l'approche de l'orage. Cette Anthéa semblait être une connaissance commune des deux hommes. Il semblait à Mnésiclès qu'il s'agissait de l'esclave de Nicias, c'était surement pour elle qu'il était là. Nicias pourtait la marque d'un coup au visage mais certainement pas de quoi aller quérir un guérisseur.

Mnésiclès fit un pas en direction du navigateur et ils se saluèrent en s'attrapant mutuellement l'avant bras droit et en se donnant une accolade vigoureuse avec le bras gauche.

"Salut, Nicias se croiser ici n'est pas signe de bonne fortune pour l'un comme pour l'autre."

L'égyptien sursauta à l'évocation du nom de la jeune esclave et se retourna vivement.

"Blessée ? Blessée comment ? Est-ce grave à ce point ?"

Des images effrayantes d'une Anthéa baignant dans des flots de sang envahirent son esprit et il se hata de fermer son sac.
Mais, Mnesiclès entrait à son tour dans la pièce et Iry-Hor se souvint de ses paroles.

"Nicias, je dois savoir l'importance de la blessure d'Anthéa avant d'aller chez toi, Mnesiclès est venu me chercher pour sa mère qui est au plus mal et réclame ma présence. En médecine, l'affection que je peux éprouver n'est pas une urgence suffisante pour faire passer une personne après l'autre."

Nicias n'apprécia guére l'acolade de Ménisècles, il n'avait jamais aimé ce genre d'effusion signe d'une franche camaraderie, d'un naturel froid et resérvé, il avait acquis un certain degoût des contacts humains au fil du temps, et l'âge n'arrangeait rien à cela...

Mal à l'aise, il se dégagea de l'étreinte par un pas en arriére, et il ne put que répondre d'une maniére abrupte:

" Il est sûr mon ami que j'aurais préféré d'autres circonstances, mais je sais les dieux farceurs, et aimant jouer avec nos émotions..."

Puis se rendant compte de la brutalité de sa réponse, il se décida de l'adoucir en rajoutant:

" Je souhaite qu'Héra et Askleipios veille sur ta mére, nous sommes tous fréres dans une telle épreuve..."

Mais il avait d'autres préocupations en tête, il rageait de devoir s'en remettre à cette arrogant egyptien, que les grecs l'insuportaient avec leur manie de ramener des esclaves de n'importe où.

Il fit aussi humble que possible:

" D'après ce que j'ai observé sommairement, elle a reçu une vilaine blessure à la base du cou, je connais ce type de blessure, mais j'en ignore la gravité, et encore plus les soins à apporter..."

Iry-Hor eut un sourire moqueur en voyant le déplaisir affiché de Nicias recevant l'accolade de son compagnon d'armes.
Il retourna à ses baumes et autres préparations entreposées et préleva différents pots soigneusement scellés à la cire.
Puis, revenant vers la table, il saisit un flacon et un bouquet d'herbes séches liées ensemble qu'il tendit à Mnesiclès.

"Tu vas faire frictionner la poitrine et le dos de ta mère avec ce baume, cela sent tres fort et elle sentira une impression de forte chaleur, les vapeurs exhalées par la préparation lui feront du bien. Qu'on enroule son torse d'une fine laine. Tu lui feras preparer une infusion de ces plantes, qu'elle en boive une coupe tres chaude chaque heure. Elle ressentiras un mieux tres vite, mais n'espere pas trop, Mnesiclès. Je vais aller voir la blessure dont parle Nicias puisqu'il s'agit d'une plaie, il vaut mieux que je vois cela rapidement, ensuite je passerai chez toi visiter ta mère, tu me paieras à ce moment là."

Il ne se faisait pas d'illusion sur la santé de la vieille femme, mais ses préparations la soulageraient et rendraient ses derniers instants moins pénibles. En cela, il aurait fait ce qu'il pouvait.
Il leva les yeux sur le Crétois et saisissant son sac se dirigea vers la porte.

"Allons Crétois, je n'ai pas de temps à perdre, mène moi auprès d'Anthéa !"

Nicias ne rajouta pas un mot, il se contenta de sortir de la maison,

Une fois dehors, il se dirigea vers sa monture, et monta dessus à cru, puisqu'il n'avait pas eu le temps de la seller.

Il fit moqueur:

" J'espère que le fait de monter à cru ne te gêne pas trop l'égyptien, mais je n'ai pas eu le temps de m'embarasser des subtilités de ces barbares de grec..."

Passant la bandouliere de son sac autour de lui, Iry-Hor pris appui sur la croupe de l'animal et sauta souplement derriere Nicias.

"Ce n'est pas ton affaire que je sois ou non habitué à cela, Crétois."

Nicias lança son cheval sur le chemin et l'égyptien serra les cuisses pour se maintenir en place. Il résista à l'instinct de s'accrocher à la tunique du crétois.
Le trajet entre la rivière et la villa fut assez vite avalé par l'étalon et à peine arrivé, Iry-Hor sauta à bas de la monture.

Sans attendre Nicias, il pénêtra sous le portique.

[Villa de Nicias - Portique]